Directive « Omnibus I » : la CNCDH et le réseau européen des INDH alertent sur les reculs normatifs en matière de respect des droits humains et de protection de l’environnement par les entreprises.

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Mis à jour le 26 novembre 2025

Alors que les négociations en trilogue viennent de débuter sur la proposition de directive « Omnibus I » de la Commission européenne, le réseau européen des INDH (ENNHRI) et la CNCDH formulent des recommandations à l’intention des co-législateurs pour que soient préservés le respect des droits humains et la protection de l’environnement dans le cadre des activités des entreprises. 

La proposition de directive Omnibus I

Le 26 février 2025, la Commission européenne a publié la proposition de directive « Omnibus I ». Ce texte vise à modifier le contenu de plusieurs instruments de l’Union européenne en matière de durabilité, dont en particulier la directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD) et la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (CSDDD).

L’objectif affiché par la Commission européenne est de réduire la charge administrative des entreprises, dans le cadre d’un mouvement de « simplification », au nom de la compétitivité des entreprises européennes.

Dans les faits, les modifications proposées relèvent d’une véritable entreprise de dérégulation qui affaiblirait considérablement la protection des droits humains et de l’environnement et s’éloignerait des standards internationaux en la matière, en particulier les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’Homme et les Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales sur la conduite responsable des entreprises.

 

Négociations sur la proposition de directive Omnibus I

 

Le Conseil de l’UE et le Parlement européen ont respectivement adopté leurs positions de négociation sur la proposition de directive « Omnibus I » de la Commission européenne les 23 juin et 13 novembre 2025

Les positions défendues par les trois institutions, bien qu’elles diffèrent sur certains points, ont en commun :

  • de constituer une rupture avec les standards internationaux en la matière, en particulier les Principes directeurs des Nations Unies et de l’OCDE ;
  • de revenir sur des avancées essentielles pour une meilleure protection des droits humains et de l’environnement dans les chaînes de valeur mondiales, y compris pour l’accès à la justice des victimes, et
  • de s’inscrire à contre-courant des bonnes pratiques des entreprises en la matière.

La CNCDH note avec inquiétude la rupture historique et le dangereux précédent que représentent les résultats du vote du Parlement européen du 13 novembre. Le Parlement européen s’est positionné très tôt en faveur d’un cadre européen solide sur la responsabilité sociale des entreprises. Pour la première fois, la position de négociation qu’il a adopté sur l’Omnibus I est, sur plusieurs points, moins protectrice des droits humains et de l’environnement que celle retenue par les États membres.

Loin de résister à la dérégulation au détriment de la protection des droits humains et de l’environnement, comme l’y appelait la CNCDH par son avis du 20 mai 2025, la majorité des députés européens (382 voix pour, 249 contre et 13 abstentions) ont non seulement conforté les reculs proposés en la matière en s’inscrivant sans réserve dans la rhétorique de la simplification, mais ont de surcroît défendu des affaiblissements supplémentaires. 

Cette position est d’autant plus inquiétante que : 

  • elle s’inscrit dans le cadre d’un processus de nature à saper l’État de droit européen et à porter atteinte à la confiance des citoyens dans le processus démocratique (manque de transparence, absence d’étude d’impact et de consultations publiques) ;
  • la proposition d’élargir la clause qui empêcheraient les États d’adopter des dispositions plus protectrices risque de restreindre encore davantage leur liberté de prévoir un meilleur degré de protection.

 

Les recommandations des Institutions nationales des droits de l’homme 

La CNCDH réitère les recommandations qu’elle a formulées dans son avis du 20 mai 2025 à l’intention de la France et des co-législateurs européens visant à s’abstenir de prôner des « simplifications » qui érodent les valeurs européennes, portent atteinte à la prévisibilité et à la sécurité juridiques et remettent en cause des avancées essentielles pour la protection de la dignité humaine et la prise en compte des limites planétaires.

Dans le même objectif, le réseau européen des Institutions nationales des droits de l’homme (ENNHRI), vient d’adopter une nouvelle déclaration le 17 novembre 2025. ENNHRI, qui représente plus de 50 institutions nationales des droits de l’Homme (INDH) dans toute l’Europe, y compris la CNCDH, appelle les co-législateurs européens à saisir l’opportunité des négociations en trilogue pour adopter une approche du devoir de vigilance qui soit alignée sur les instruments internationaux existants et les bonnes pratiques des entreprises.

ENNHRI recommande également :

  • que le champ d’application personnel de la CSDDD et de la CSRD soit aussi large que possible afin d’encourager toutes les entreprises à assumer leur responsabilité en matière de respect des droits humains ;
  • que l’approche retenue dans la CSDDD soit davantage alignée sur les Principes directeurs des Nations Unies et de l’OCDE afin de garantir que les entreprises mettent en œuvre une véritable approche de la vigilance fondée sur les risques.  
  • de s’assurer de retenir une approche pragmatique permettant aux entreprises de collaborer avec leurs partenaires commerciaux, y compris pour avoir accès aux informations pertinentes, afin qu’elles puissent exercer une vigilance raisonnable conforme aux standards internationaux  (voir les critiques relatives au « bouclier PME » (SME shield) et au « plafond de la chaîne de valeur (value chain cap) ;
  • que l’engagement avec les parties prenantes reste au cœur du processus de vigilance dans la CSDDD et qu’en soit conservée une définition large, qui inclut les INDH ;
  • de conserver la disposition originale relative à la responsabilité civile dans la CSDDD afin de garantir la cohérence des conditions de sa mise en œuvre au sein de l’UE, de réintroduire la disposition relative aux conflits de loi (mandatory overriding application) et de veiller à ce que les éléments relatifs à l’accès à la justice permettent aux titulaires de droits d’avoir un accès effectif aux voies de recours et à la réparation ;
  • de conserver l’obligation d’adopter et de mettre en œuvre un plan de transition climatique dans la CSDDD ;
  • que les normes européennes de reporting de durabilité (ESRS) soient élaborées de manière à permettre une simplification sans compromettre leur intégrité globale, notamment en ce qui concerne les normes sociales et relatives aux droits humains ; et que l’obligation d’adopter des normes ou lignes directrices sectorielles spécifiques soit maintenue dans la CSRD.

 

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