À la suite de l’examen de la France du 14 au 16 novembre, le Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination raciale vient de publier ses observations concernant la prévention et la lutte contre le racisme en France.

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Mis à jour le 8 décembre 2022

Rappel de la procédure

Périodiquement, chaque État partie aux principaux traités relatifs aux droits de l’Homme doit rendre compte des mesures qu’il a prises pour leur mise en œuvre.

Un comité (appelé « organe des traités » ou « Comité conventionnel des Nations Unies »), composé d’experts indépendants, examine le rapport transmis par l’État et les contributions d’autres parties prenantes (société civile, Institution nationale des droits de l’homme), lors d’un « dialogue constructif » à l’issue duquel il émet des observations assorties de recommandations.

Du 14 au 16 novembre, le Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) a examiné l’application et la mise en œuvre par la France des obligations découlant de la Convention internationale pour l’élimination de la discrimination raciale. Dans le cadre de cet examen, la CNCDH a remis une contribution aux experts du Comité et a échangé directement avec eux.

 

Quelques points des observations

Le Comité a formulé 50 recommandations à l’attention de la France. Elles font largement écho à celles formulées par la CNCDH dans sa contribution et aux points d’alerte sur lesquels les experts avaient échangé avec l’institution.

Ci-dessous un zoom sur certaines recommandations.

Collecte de données

Le comité s’inquiète de l’impossibilité pour les pouvoirs publics d’avoir « une vision complète des discriminations raciales auxquelles font face les différents groupes ethniques, y compris dans les Outre-mer. Cette vision complète est essentielle pour élaborer des politiques publiques de lutte contre le racisme ajustées et efficaces. Le comité appelle la France à poursuivre ses réflexions pour collecter des données « sur la base du principe de l’auto-identification et de l’anonymat ».

Lutte contre les discours de haine

Le Comité « demeure préoccupé par la persistance et l’ampleur des discours à caractère raciste et discriminatoire, notamment dans les médias et sur Internet ».

Il recommande notamment d’évaluer et de « poursuivre les formations de personnels chargés de l’application de la loi, ainsi que de campagnes de sensibilisation ciblées [y compris à l’attention] des acteurs du débat démocratique » et de poursuivre ses efforts […] « en étroite coopération avec les fournisseurs d’accès à Internet, les plateformes de réseaux sociaux et les populations concernées ».

Roms et Gens du voyage

Le Comité a repris les recommandations de la CNCDH, dont la reconnaissance de la caravane comme un logement et la mise à disposition d’un nombre d’aire d’accueil suffisant, et l’obligation de proposer une solution d’hébergement adéquate en cas d’expulsions et de garantir l’accès à l’éducation aux enfants Rom et des gens du voyage sans discrimination.

Peuples autochtones

Le comité « réitère » sa préoccupation concernant la discrimination à l’égard des peuples autochtones dans les Outre-mer. Il recommande notamment

  • D’intensifier les efforts pour garantir aux peuples autochtones une égale jouissance des droits économiques, sociaux et culturels à celle dont bénéficie le reste de la population
  • De s’assurer que les peuples autochtones soient consultés pour tout projet pouvant affecter leur situation, leurs droits [conformément à l’approche fondée sur les droits humains.]
  • D’adopter des mesures d’atténuation des conséquences des activités extractives et de la crise climatique.

Situation des migrants, réfugiés, demandeurs d’asile et apatrides

Le Comité souligne qu’il est important de poursuivre une politique d’immigration et d’asile fondée sur les principes de dignité humaine et de non-discrimination afin de ne pas saper les valeurs de la Convention

Enfants non accompagnés

Le comité consacre un point à la situation des enfants non accompagnés et recommande à la France d’agir de manière urgente « pour garantir une protection effective des enfants migrants et demandeurs d’asile non accompagnés. »

Profilage racial et ethnique

Le Comité reprend notamment une recommandation que la CNCDH réitère depuis de nombreuses années : mettre en place un mécanisme effectif de contrôle judiciaire et de traçabilité des contrôles d’identité, ainsi que d’autres activités de la police et des forces de l’ordre.

Usage excessif de la force

Le comité évoque précisément « l’affaire portant sur le décès d’Adama Troaré », et demande à la France de conclure l’enquête « afin que les responsables soient traduits en justice et sanctionnés de manière appropriée. »

Accès à la justice

Le comité formule des recommandations pour lutter contre le chiffre noir, dont une recommandation portée par la CNCDH depuis longtemps : exclure les infractions à caractère raciste de la procédure de main courante.

Lutte contre les stéréotypes raciaux

Le Comité s’inquiète de la persistance de préjugés et stéréotypes raciaux et xénophobes, en partie hérités du passé lié au colonialisme et à l’esclavage, souvent renforcés par les médias et discours politiques. Il recommande que la lutte contre la discrimination, le racisme, le respect de la diversité soient inclus dans les programmes d’étude à tous les niveaux scolaires. Le Comité précise expressément que les enseignants doivent aussi être formés sur ces sujets.

Suivi des recommandations 

La France doit fournir, dans un délai d’un an, des renseignements sur les suites données aux recommandations sur trois points en particulier : la situation des Roms et des Gens du Voyage, la situation des migrants, réfugiés et la protection des défenseurs des droits humains.

En qualité d'Institution nationale des droits de l'homme (INDH), la CNCDH suivra de près la mise en œuvre de ces recommandations, et notamment leur prise en compte dans le Plan d’action national en cours d’arbitrage.

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