Dans un avis adopté en assemblée plénière le 14 octobre, la CNCDH alerte sur la stratégie sécuritaire alignée sur l'objectif "zéro risque" susceptible d'être généralisée à tous les grands événements.

14 octobre 2025
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Mis à jour le 15 octobre 2025
À l’été 2024, un dispositif sécuritaire inédit a été mis en place pour les Jeux olympiques et paralympiques. Alors que les pouvoirs publics se sont félicités du très bon déroulement de ces événements, des associations et des rapporteurs spéciaux des Nations unies ont pointé les atteintes aux droits humains engendrés par certains aspects de ce dispositif.
Dans un avis adopté le 14 octobre, la CNCDH revient sur les dérives de la stratégie sécuritaire, et apporte un regard critique sur certaines dispositions du projet de loi relatif aux Jeux olympiques et paralympiques 2030.
Un dispositif sécuritaire sans précédent
L'étendue des mesures mises en place pour assurer la sécurité des Jeux olympiques et paralympiques ne satisfait pas aux principes de nécessité, d'adaptation et de proportionnalité au cœur des standards internationaux de respect des droits humains.
La CNCDH pointe notamment :
- l'éviction ciblée de l’espace public de certaines catégories de population vulnérable ;
- les pratiques policières abusives plus importantes à l’encontre des jeunes des quartiers populaires ;
- la mobilisation inédite de la sécurité privée au nom du “continuum de sécurité” ;
- l'augmentation des comparutions immédiates ;
- le nombre accru de placements en détention provisoire ;
- l'application de plus de 500 mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (MICAS) par le ministre de l'Intérieur ;
- l'utilisation inédite des nouvelles technologies - vidéosurveillance algorithmique et drones.
Alerte sur la banalisation des mesures administratives anti-terroristes
La CNCDH pointe l'usage intensif de mesures héritées de l’état d’urgence dans une stratégie d’ “entrave administrative” dont les visites domiciliaires et les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (MICAS).
Les MICAS
Les MICAS sont prises sur le fondement de documents émanant des services de renseignement, non signés et non datés (« notes blanches »). En cas de recours au juge, la contestation des informations ainsi transmises à l’administration est compliquée.
La CNCDH dénonce la logique de suspicion qui sous-tend l’usage des MICAS, qui pèse sur une catégorie de la population, identifiée comme ayant ou étant susceptible d’avoir des liens étroits avec une forme d’islam radical. Découlent de cette logique discriminations et atteintes aux libertés.
Les enquêtes administratives
Depuis 2016, pour les “grands événements”, c'est à dire les événements "exposés à un risque d'actes de terrorisme en raison de leur nature et de l'ampleur de leur fréquentation", l’accès de toute personne aux établissements et installations est soumis à l’avis de l’autorité administrative après enquête.
Dans le cadre des JOP 2024, la portée des enquêtes administratives a été étendue :
- sont aussi concernés les grands rassemblements de personnes ayant pour objectif d’assister aux retransmissions sont concernés ;
- tout salarié et bénévole est concerné par les enquêtes ;
- le risque évoqué est “le risque d’actes de terrorisme” (plus large que “risque exceptionnel de menace terroriste”).
La CNCDH alerte sur :
- le manque de critères précis pour définir un “grand événement” - le pouvoir discrétionnaire laissé de fait aux autorités pour désigner un événement comme tel ;
- les risques d'atteinte à la vie privée en raison du nombre croissant de fichiers - et de données sensibles - consultés ;
- l'absence de communication sur les motifs d'un refus d'autorisation, qui peut susciter un sentiment d'injustice et d'arbitraire.
Une justice adossée aux impératifs de sécurité juridique
Le calendrier judiciaire a été adapté pendant les JOP : report des audiences après les JOP et renvoi des
audiences de comparution immédiate pour ne pas surcharger les juridictions. La CNCDH pointe là un mépris du principe d'individualisation.
Pendant les JOP, les contrôles d’identité abusifs et les amendes forfaitaires délictuelles et contraventionnelles ont été pratiqués en grande nombre, notamment à l'encontre des jeunes des quartiers populaires. La CNCDH s'inquiète d'une forme de détournement des outils procéduraux à des fins de contrôle de l’espace public.
Les dangers de la surveillance de l'espace public
Dans la continuité de son avis adopté en juin 2024, la CNCDH alerte à nouveau sur le caractère particulièrement intrusif, et attentatoire à certaines libertés fondamentales, de la vidéo surveillance algorithmique.
La VSA véhicule une conception normalisée de l’espace public, où tout écart de conduite devient suspect.
Des points de vigilance sur le volet "sécurité" du projet de loi JOP 2030
La CNCDH alerte les parlementaires en particulier sur trois points :
- l’extension des pouvoirs accordés aux agents privés de sécurité, en particulier la possibilité de procéder à une “inspection visuelle des véhicules” ;
- Une nouvelle mesure de police administrative d’interdiction de paraître dans certains lieux en cas de grand événement ou de grand rassemblement ;
- la prolongation de l’expérimentation de la VSA.
Il est (...) impératif pour la Commission de rappeler une fois encore que ces droits, loin d’être accessoires sont, au contraire, au fondement de notre système juridique. (...) Loin de représenter des entraves à la sécurité, l’effectivité des libertés fondamentales et des droits économiques et sociaux est la garante de la cohésion et de la paix sociales.
14 octobre 2025