Au moment de l’examen par le Sénat du projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, la CNCDH adopte un avis sévère dans lequel elle recommande le retrait de plusieurs dispositions clefs du projet

Mis à jour le 26 janvier 2022

Pour la 30ème fois depuis 2000, le Parlement, sous le coup de l’émotion et dans la plus grande précipitation, réforme tous azimuts plusieurs codes bousculant l’équilibre difficile à atteindre entre sécurité et liberté Si le curseur protégeant les droits fondamentaux et les libertés individuelles venait encore à céder du terrain, ce serait là la plus pernicieuse et durable victoire du terrorisme sur les valeurs que nous portons. 

Christine Lazerges, présidente de la CNCDH



Une méthode contestable.



Une fois de plus la CNCDH regrette la mise en oeuvre de la procédure accélérée dans une matière très technique et extrêmement sensible pour les libertés publiques et les droits fondamentaux. Ce procédé ne laisse quasiment aucune place au débat et à une réflexion de fond. A l’inverse, la  CNCDH rappelle la nécessité d’une réforme d’ensemble du code de procédure pénale, devenu trop complexe, illisible et en perte de cohérence du fait de l’empilement des réformes.



Des dispositions liberticides.



Plusieurs dispositions du présent projet de loi visent à inscrire dans le droit commun certaines mesures inspirées du régime de l’état d’urgence et donc, par leur banalisation, à normaliser l’exceptionnel. Cela est flagrant s’agissant tout particulièrement des nouvelles dispositions relatives à l’extension des perquisitions de nuit. La retenue de 4 heures n’est assortie d’aucune garantie pour les majeurs et peut même s’appliquer aux mineurs. Le contrôle des retours sur le territoire national devrait être judiciaire et non administratif. La CNCDH demande purement et simplement le retrait de ces dispositions, compte-tenu du risque de violation des droits et libertés fondamentaux.



Des questions fondamentales passées sous silence.



La CNCDH déplore que la réforme statutaire du ministère public, depuis si longtemps attendue, n’ait toujours pas abouti. Il est pourtant nécessaire de consacrer l’indépendance des magistrats du Parquet en prévoyant des garanties précises quant à leur nomination et leur statut. La CNCDH

recommande également une véritable juridictionnalisation de l’enquête par le renforcement du statut de l’actuel « juge des libertés et de la détention » de manière à instituer une fonction juridictionnelle spécialisée.



La CNCDH mesure pleinement le défi que pose la grande criminalité pour nos démocraties. Pour autant, elle se doit de réaffirmer avec force que les Etats ne sauraient prendre, au nom d’intérêts considérés à juste titre comme primordiaux, n’importe quelle mesure attentatoire au respect des droits de l’Homme et aux engagements internationaux de la France. La plus grande victoire des « ennemis des droits de l’Homme » serait de mettre en péril l’Etat de droit par une dérive liberticide et de renoncer aux principes républicains. La Commission appelle une nouvelle fois à « raisonner la raison d’Etat », afin de ne pas créer une société du soupçon permanent.

À voir aussi