En qualité de rapporteur national indépendant sur la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie, la CNCDH se prononce contre l'usage de statistiques ventilées par "ethnie".

Mis à jour le 26 janvier 2022

A l’occasion de leur examen de la situation des droits de l’homme en France, les instances internationales, et notamment le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) et la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) ont, de manière systématique, formulé des recommandations relatives à la mise en place de statistiques ventilées par « ethnie », afin de pouvoir mesurer l’ampleur des discriminations commises sur le territoire français.

Par ailleurs certains universitaires ou certains acteurs associatifs estiment que la mise en place de statistiques ethniques permettrait de mieux appréhender l’ampleur des discriminations raciales en France et donc de mieux les combattre. Les opposants à la mise en place des statistiques ethniques soutiennent, quant à eux, que la production et la diffusion de statistiques ethniques iraient à l’encontre du modèle français, méconnaîtraient le droit de chacun à définir son identité, et seraient une menace pour la cohésion sociale.

Pour sa part, la CNCDH estime que la reconnaissance par l’Etat des catégories ethniques et raciales risquerait de les « essentialiser, » et de les figer. Dans le même ordre d’idée, il convient de noter que les statistiques, et notamment celles relatives à l’ « ethnie » ou à l’origine des personnes, ne sont pas des outils neutres. En effet, « la statistique n’est pas simple enregistrement de données qui seraient inscrites dans la réalité, elle contribue à créer la vie sociale en donnant une forme à la conscience que les sociétés prennent d’elles-mêmes». En autorisant la mise en place de statistiques ethniques, l’Etat risquerait d’ethniciser sa perception de la société, d’ethniciser son discours, et d’ethniciser en conséquence l’ensemble des rapports sociaux, chacun se définissant avant tout par rapport à son appartenance à une « ethnie ». La CNCDH n’est donc pas favorable à l’autorisation de statistiques ventilées par « ethnie ».

Pour autant, la CNCDH constate qu’à bien des égards, les autorités publiques ne parviennent pas en l’état à combattre avec suffisamment d’efficacité les inégalités dont sont victimes certaines catégories de personnes à raison de leur origine. Si l’amélioration de l’efficacité des politiques de résorption des inégalités et du droit de la non discrimination peut passer par le développement d’outils quantitatifs, il demeure nécessaire de veiller à ce que ces outils soient conformes aux principes républicains En conséquence, l’appareil statistique doit respecter un certain nombre de règles afin de prévenir tout « fichage ethnique » et de garantir que de les indicateurs mis en œuvre pas plus d’inconvénients que d’avantages en termes de droits de l’homme.

La CNCDH recommande donc d’améliorer la connaissance des inégalités en fonction de l’origine des personnes et recommande que la CNIL dispose des moyens lui permettant de pratiquer les contrôles nécessaires sur les traitements de données personnelles pour que celles-ci soient utilisées conformément aux dispositions de la loi «informatique et libertés».

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