Au lendemain du terrible événement qui a endeuillé Nice et toute la France, la CNCDH, investie d'une mission de suivi de l'état d'urgence, appelle à dresser le bilan des mesures prises et à refuser toute prolongation qui constitue une restriction flagrante aux droits et libertés.

Mis à jour le 6 mai 2021

« Toute prolongation de l’état d’urgence doit impérativement répondre aux principes de nécessité, de proportionnalité et de non-discrimination. Tel n’est pas le cas. Il faut sortir de cet état d’exception, même si cela est à l’évidence une décision politique particulièrement difficile à prendre dans un contexte où la démagogie semble l’emporter sur la raison. L’état d’urgence ne saurait devenir permanent. La nouvelle prorogation de l’état d’urgence pour six mois remet en cause le caractère exceptionnel de ce régime et interroge sur ses finalités », rappelle Christine Lazerges, présidente de la CNCDH.

L’état d’urgence ne contribue qu’à la marge à la lutte contre le terrorisme

Dès son avis du 18 février sur le suivi de l’état d’urgence, la CNCDH soulignait l’efficacité limitée de l’état d’urgence dans cette lutte, constat largement partagé par la Commission d’enquête parlementaire sur les moyens mis en œuvre pour lutter contre le terrorisme dans son rapport du 5 juillet dernier. La CNCDH ne peut donc que s’interroger sur l’utilité de multiplier une nouvelle fois les mesures pouvant être ordonnées dans le cadre de l’état d’urgence, comme le prévoit la nouvelle loi (fermeture des lieux de culte, interdiction des manifestations, saisie des données informatiques, retenue de quatre heures, contrôles d’identité, fouille et inspection visuelle de bagages).

L’impératif de sécurité ne peut justifier de pérenniser un état d’exception qui réduit les droits fondamentaux

Le 3 juin dernier, la loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale a déjà inscrit dans le droit commun des mesures similaires (perquisitions de nuit, perquisitions informatiques, retenue de quatre heures et contrôle administratif des retours sur le territoire national). Notons que cette loi a suivi de peu celle du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs. La CNCDH dénonce une telle succession de textes qui, en banalisant des restrictions aux droits et libertés, contribuent à normaliser l’exceptionnel, à stigmatiser une partie de la population et à renforcer les risques de discrimination. Elle déplore en outre le manque d’évaluation de l’efficacité des dispositifs en vigueur avant chaque réforme.

Plus encore, le Parlement, sous le coup de l’émotion et en l’espace de deux jours seulement, réforme tous azimuts plusieurs codes ainsi que la loi pénitentiaire de 2009 au nom du renforcement de la lutte antiterroriste.

Dans ces temps troublés, la CNCDH est convaincue que la promotion et la protection des droits de l’Homme, l’apprentissage de la citoyenneté, et l’éducation aux valeurs de la République sont les meilleurs garants de la sécurité individuelle comme collective. Il importe de préserver les équilibres démocratiques, de rechercher la cohésion nationale, et non de les sacrifier.

« Face à l’émotion suscitée par les événements du 15 juillet à Nice, les représentants de la Nation ont le devoir d’agir avec sagesse et discernement. Les postures politiciennes et la surenchère sécuritaire ne manqueront pas d’engendrer des effets dévastateurs sur le vivre ensemble en contribuant à créer un climat de suspicion généralisée susceptible de faire le lit de tous les extrémismes.» rappelle Christine Lazerges.

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