Dans cet avis sur la prévention de la radicalisation, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) émet de vives critiques concernant les dispositifs de détection et de prise en charge des personnes dites « radicalisées ».

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Mis à jour le 26 janvier 2022

L’échec du « centre de réinsertion et de citoyenneté », fermé en février 2017, a montré les limites de la politique de prévention de la radicalisation, soulignées par la mission d’information du Sénat sur le désendoctrinement et la réinsertion des djihadistes. La Commission nationale consultative des droits de l’homme émet à son tour de vives critiques concernant les dispositifs de détection et de prise en charge des personnes dites « radicalisées ».

Amalgame dangereux entre radicalisation idéologique et radicalisation violente

Le dispositif national de prévention de la radicalisation repose sur le présupposé selon lequel il existerait un continuum entre l’adoption de certaines convictions en lien avec l’Islam, et l’action violente. Or, ce présupposé, dénué de pertinence scientifique, représente un danger pour les libertés et le principe de non-discrimination.

Des dispositifs de détection des personnes « radicalisées » stigmatisants et contre-productifs

Dans le but de prévenir, le plus en amont possible, l’expression violente de la radicalisation, de multiples grilles de détection ont été élaborées à l’attention des agents de la fonction publique. La CNCDH alerte sur le caractère à la fois vague, inopérant, et stigmatisant pour les musulmans des « critères de basculement » retenus et sur le risque d’arbitraire en raison de la marge d’appréciation laissée aux agents publics. La diffusion à grande échelle de ces « grilles » les rend, de surcroît, contre-productives, renforçant la suspicion à l’égard d’une partie de la population et favorisant des comportements de dissimulation.

Le travail social subverti par la logique de renseignement

Les travailleurs sociaux, acteurs essentiels de l’intégration et de la cohésion sociale, sont contraints de détecter et, le cas échéant, de signaler les personnes potentiellement radicalisées. L’observation, la suspicion et le renseignement ont supplanté l’écoute et la confidentialité pourtant essentielles à la construction de la relation de confiance avec le travailleur social. La CNCDH appelle les pouvoirs publics à ne pas porter atteinte au cœur de métier des travailleurs sociaux et à garantir leur indépendance.

Des dispositifs de prise en charge des personnes « radicalisées » disparates et inefficaces

La CNCDH reconnait le bien-fondé de la démarche expérimentale concernant la prise en charge des personnes radicalisées. Elle déplore néanmoins le manque de coordination des multiples initiatives menées. La CNCDH s’inquiète des techniques du contre-discours qui visent à plaquer une idéologie en remplacement d’une autre, sans dimension pédagogique, et dont l’inefficacité est avérée. Elle relève en outre la disproportion des moyens consacrés aux actions de prévention de la radicalisation, au détriment des missions à caractère social.

La prise en charge des mineurs doit relever du droit commun

La CNCDH s’inquiète que la dérive sécuritaire des pouvoirs publics affecte aussi les services de protection de l’enfance. Elle recommande tout particulièrement que le dispositif d’écoute pour les familles soit transféré au numéro 119 qui gère l’enfance en danger, et que les mineurs « radicalisés » soient pris en charge par des professionnels de l’enfance, hors de tout dispositif policier.

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