Dans cet avis, la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) rappelle son attachement à la lutte contre l’impunité et recommande le rejet du protocole d’entraide judiciaire France-Maroc, en raison de ses ambiguïtés.

Mis à jour le 26 janvier 2022

La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) rend aujourd’hui un avis sur le projet de loi autorisant l'approbation du protocole additionnel à la Convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc.

La CNCDH a décidé de s’autosaisir du projet de loi, en considérant qu’il met en cause des questions d’ordre juridique dont les conséquences dépassent les relations diplomatiques bilatérales entre deux pays ayant des liens de coopération étroits. « Malgré son caractère voulu anodin, le projet de loi comporte des enjeux juridiques et judiciaires d'importance, au regard notamment des règles relatives à la compétence répressive internationale des lois et juridictions françaises », estime Christine Lazerges, Présidente de la CNCDH, avant d’ajouter que « si la CNCDH reconnaît bien volontiers que la coopération franco-marocaine revêt une importance particulière, notamment dans la lutte contre le terrorisme, elle rappelle que cette entente ne saurait s’établir aux dépens du respect des droits et libertés constitutionnels et d'autres engagements internationaux pris par la France, que ceux-ci poursuivent un objet proprement répressif ou bien de protection des droits de l’homme. La CNCDH souhaite donc que la coopération franco-marocaine, plus nécessaire que jamais, soit fondée sur le respect inconditionnel de l’Etat de droit et de l’indépendance de la justice dans les deux pays ».

La CNCDH considère que le protocole additionnel, dont la rédaction est peu claire et imprécise, posera de graves difficultés d’interprétation aux magistrats chargés de son application. Elle constate surtout que les nouvelles stipulations remettent gravement en cause la sécurité juridique en limitant l’effectivité de l’accès à une justice indépendante et impartiale, par un contournement des règles françaises de compétence répressive internationale. A cet égard, il ne saurait notamment être toléré que des victimes françaises se voient privées de la possibilité de saisir un juge d’instruction français et de voir leur affaire instruite en France.

Plus fondamentalement, la CNCDH rappelle avec force que les autorités françaises ne doivent en aucun cas remettre en cause l’ordre juridique multilatéral, afin de lutter contre l’impunité. Elle s’alarme du précédent juridique que ne manquerait pas de constituer un tel accord bilatéral, là où des solutions diplomatiques peuvent être trouvées sans bouleverser l’ordre juridique international et contredire les priorités de la politique extérieure de la France.

Pour toutes ces raisons, la CNCDH exprime son opposition à l'adoption du projet de loi autorisant l'approbation du protocole additionnel, en raison de ses ambiguïtés sur le plan juridique. Elle en recommande le retrait ou le rejet.

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