Dans cet avis, sur saisine de ministres délégués chargé des Affaires européennes et du Développement, la CNCDH formule des recommandations en vue de la préparation du plan d’action français pour les Principes directeurs des Nations Unies pour les entreprises et droits de l'Homme.

Mis à jour le 27 janvier 2022

Ces Principes adoptés en 2011 par le Conseil des droits de l’homme  des Nations Unies reposent sur trois piliers :

  • l’obligation de l’Etat de protéger les droits de l’homme lorsque des tiers, notamment des entreprises, y portent atteinte sur leur territoire et/ou sous leur juridiction ;
  • la responsabilité incombant aux entreprises de respecter les droits de l’homme ;
  • le droit des victimes à un recours effectif.

Conformément à la saisine, le présent avis s’intéresse principalement aux premier et troisième piliers. Il est le fruit d’une réflexion globale et ancienne de la Commission sur la responsabilité des entreprises en matière de droits de l’homme avec l’adoption d’un avis et la publication de deux études sur ce thème en 2008 et 2009.

La présente synthèse relève quelques points importants parmi ceux détaillés dans l’avis de la CNCDH.

L’obligation de protection des droits de l’homme incombant à l’Etat (§§25-43)

La mise en œuvre de l’obligation de l’Etat passe par la prise en compte de la protection des droits de l’Homme d’une part dans la politique extérieure de la France, y compris lorsqu’elle négocie des accords commerciaux et d’investissement, d’autre part dans les politiques publiques d’aide aux entreprises.

En conséquence, la CNCDH, regrettant l’insuffisante prise en compte des risques relatifs aux droits de l’homme, recommande que le plan d’action français :

  • Prévoie que la COFACE (Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur) institue un processus permettant d’une part d’évaluer l’impact sur les droits de l’homme des opérations des clients qu’elle garantit, d’autre part d’informer les entreprises des risques de violations des droits de l’homme dans les pays dans lesquels elles opèrent. (§§26-28)
  • Promeuve le respect des droits de l’homme par les entreprises appartenant à l’Etat, contrôlées par lui ou avec lesquelles il effectue des transactions commerciales, notamment dans le cadre de partenariats public-privé.
  • Exige des opérateurs de l’Etat (AFD, Proparco, ADETEF) des études d’impact exhaustives en matière de droits de l’homme, ceux-ci devant informer et consulter de façon accrue les parties prenantes et la société civile aux différentes phases de réalisation des projets. (§§29-32)
  • Impose une obligation légale de diligence raisonnable (due diligence) en matière de droits de l’homme aux entreprises pour leurs activités et celles de leurs filiales et partenaires commerciaux, en France comme à l’étranger.

Il est également souhaitable que les droits de l’homme constituent le socle fondateur du reporting extra-financier et que les indicateurs fassent l’objet d’une harmonisation. (§§33-41) La CNCDH salue les efforts faits par la France en la matière et appelle le Gouvernement à jouer un rôle moteur dans l’adoption d’une directive communautaire relative au reporting extra-financier. Toutefois, la CNCDH recommande que les représentants du personnel et les syndicats participent davantage à l’élaboration du rapport de gestion et que la lisibilité de ce rapport soit améliorée afin de promouvoir le droit à l’information des parties prenantes.

Afin d’éviter que les entreprises françaises se rendent complices de violations des droits de l’homme dans certaines zones particulièrement sensibles, une vigilance renforcée devrait être exigée de l’Etat et des entreprises en ce qui concerne les zones, secteurs ou produits à risques. (§§42-43)

L’effectivité des voies de recours (§§44-88)

L’Etat devra tout d’abord garantir l’effectivité des mécanismes judiciaires. (§§46-70)

En France, le droit des sociétés prévoit un principe d’autonomie juridique des sociétés composant un même groupe. Ce principe fait obstacle à ce que les sociétés mères puissent être tenues responsables des violations des droits de l’homme commises par leurs filiales, alors même qu’en pratique, elles les contrôlent. De même, la réalité des chaines d’approvisionnement empêche d’engager la responsabilité des sociétés françaises donneuses d’ordre par rapport à leurs sous-traitants ou partenaires commerciaux sur lesquels elles exercent souvent une influence.

Pour remédier au risque que des violations des droits de l’Homme commises par des filiales et des entreprises sous-traitantes à l’étranger restent impunies, la CNCDH recommande d’encourager la remontée de la responsabilité vers la société-mère ou donneuse d’ordre, notamment lorsque la société liée n’est pas en mesure d’assumer ses responsabilités. Divers outils juridiques peuvent être envisagés pour permettre cette indispensable responsabilisation. (§§47-62)

L’extension de la compétence extraterritoriale des juridictions françaises, civiles comme pénales, permettrait aussi de ne pas laisser impunies certaines violations des droits de l’homme commises par des filiales d’entreprises françaises à l’étranger. (§§63-70)

L’Etat devrait également s’efforcer d’assurer l’efficacité des mécanismes de réparation non-judiciaires. (§§71-88)

Il existe dans chacun des pays adhérant aux Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales, un Point de contact national (PCN) qui est chargé de promouvoir et de diffuser ces principes et de répondre, le cas échéant, à des saisines pour non-respect de ceux-ci. Le PCN français connait une relative augmentation des saisines concernant les droits de l’homme. Par conséquent, la CNCDH recommande d’associer des experts indépendants à ses travaux et de mettre en place un dialogue structuré et interactif avec les acteurs de la société civile. Par ailleurs, la CNCDH formule des recommandations visant à renforcer l’accessibilité, la transparence, la visibilité et l’efficacité du PCN. (§§72-84)

Enfin, le contrôle de l’application des conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT) est abordé par la CNCDH qui considère que si les contrôles existants ne débouchent pas sur des sanctions en cas de non-respect des conventions, ils permettent cependant d’ouvrir un dialogue avec l’Etat membre concerné afin d’améliorer l’application de la convention. Toutefois, afin d’améliorer l’application des normes fondamentales du travail, la CNCDH recommande au Gouvernement d’inciter à la mise en place, au sein de l’OIT, de mécanismes plus contraignants pour les Etats. Elle appuie en particulier les réflexions engagées autour de la cohérence sociale des politiques économiques, financières et commerciales qui devraient conduire à renforcer le poids et l’autorité de l’OIT dans le concert des institutions du système multilatéral et à instaurer des formes de conditionnalité sociale. (§§85-88)

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