La CNCDH s’est saisie de l’analyse de la notion de « pays tiers sûr » dont l’introduction témoigne d’une nouvelle dérive des politiques d’asile françaises.

test
Mis à jour le 26 janvier 2022

Alors que le Gouvernement a annoncé il y a quelques semaines un nouveau projet de loi « pour un droit d’asile garanti et une immigration maîtrisée » dont certaines dispositions visent à introduire en droit français le concept de « pays tiers sûr », la CNCDH, s’est saisie de l’analyse de cette notion, dont l’introduction témoigne d’une nouvelle dérive des politiques d’asile françaises.

La France a décidé d’intégrer ce concept à l’occasion de la transposition d’une directive européenne, la directive dite « Procédures » du 26 juin 2013. Le concept de « pays tiers sûr » permet de déclarer irrecevable la demande d’asile d’une personne qui aurait transité par un pays tiers à l’Union européenne – et considéré comme sûr - en la redirigeant vers ce pays.

Un concept non conventionnel et non constitutionnel

La Convention de Genève de 1951, texte fondateur de la protection des réfugiés, ne contient aucune référence à ce concept. Il est même contraire à son essence puisqu’il revient à créer un nouveau cas d’exclusion de protection du demandeur. En outre, il est inconstitutionnel car il exclut un examen au fond de la demande, pourtant requis par les exigences de la Constitution.

« L’introduction de ce concept dans le droit français marque la volonté des pouvoirs publics de vider le droit d'asile de sa substance. Il est indispensable d’y renoncer car il est en contradiction radicale avec l’attachement proclamé en France au droit d’asile. En effet, par son utilisation, on ne protège plus la personne et on n’examine plus ses craintes de persécution mais son itinéraire et les conditions de protection dans le pays par lequel elle a transité. La logique est inversée puisque le droit d’asile repose normalement sur un examen au fond de la demande et non un examen de recevabilité ayant pour seul objet de s’assurer de la sûreté d’un pays. », regrette Christine Lazerges, présidente de la CNCDH.

Une mise en pratique impossible et des conditions d’application aléatoires

La directive européenne prévoit que ce sont les États membres qui définissent la liste des pays tiers sûrs, liste qui risque d’être établie sur des critères hautement politiques et non juridiques. De même, les États membres doivent définir les conditions d’application du concept de « pays tiers sûr ». La définition de la sûreté est alors soumise à leur bonne volonté. Cela peut ainsi créer des disparités entre les États membres puisque l’un d’entre eux pourra considérer qu’un État tiers est sûr alors qu’un autre État membre ne l’inscrira pas sur sa liste en raison de persécutions qui peuvent peser sur certaines catégories de personnes à vulnérabilité particulière, notamment les personnes LGBTI.

Par ailleurs, l’application du concept de « pays tiers sûr » est en contradiction avec le droit à un recours effectif puisqu’il renverse la charge de la preuve. En effet, ce sera au demandeur d’asile de prouver que l’État de transit par lequel il est passé n’est pas sûr pour lui.

Au-delà de ces garanties procédurales, l’application du « pays tiers sûr » fait peser sur les États tiers une obligation d’assurer des conditions matérielles dignes à l’ensemble des demandeurs (droit au séjour, droit à l’hébergement, accès aux soins, accès au travail, etc.) qui semblent difficiles à remplir de manière effective.

À voir aussi