Le 28 février 2019, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France pour violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme. La CNCDH avait rendu une tierce intervention dans le cadre de l'affaire Khan contre France.

Mis à jour le 10 mai 2021

Le 28 février 2019, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné la France pour violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, estimant qu’un mineur isolé étranger ayant vécu pendant plusieurs mois dans le bidonville de la lande de Calais s’est trouvé, en raison de la carence des autorités françaises, dans une situation constitutive d’un traitement dégradant.

 

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Rappel des faits

Arrivé en France en septembre 2015 à l’âge de 11 ans, Jamil Khan, ressortissant afghan, a habité durant environ six mois dans une « cabane » située dans la zone Sud de la lande de Calais. Les autorités françaises ne l’avaient pas pris en chargé, faute d’avoir pu l’identifier comme un mineur isolé étranger alors qu’il se trouvait sur le site de la lande depuis plusieurs mois. Or « son jeune âge aurait dû attirer leur attention », a relevé la CEDH. Se référant notamment expressément à l’avis adopté par la CNCDH en 2015 sur la situation des migrants à Calais et dans le Calaisis, la CEDH a constaté que l’enfant vivait dans un « environnement totalement inadapté à sa condition d’enfant, que ce soit en termes de sécurité, de logement, d’hygiène ou d’accès à la nourriture et aux soins, et dans une précarité inacceptable au regard de son jeune âge ». A la suite du démantèlement –en plein hiver - de la zone Sud de la lande, de nombreux occupants ont rejoint la zone Nord, ce qui a aggravé la promiscuité dans laquelle ils vivaient. Le requérant a fait de même en s’installant dans un « abri de fortune ». C’est dans ce contexte que le juge des enfants du tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer a, le 22 février 2016, ordonné que l’enfant soit confié à l’aide sociale à l’enfance (ASE) ; ordonnance qui n’a jamais été exécutée.

Décision de la CEDH

Un tel défaut de prise en charge est d’autant plus grave qu’un mineur étranger non accompagné relève de la « catégorie des personnes les plus vulnérables de la société » (arrêt Rahimi contre Grèce, 5 avril 2011) La Cour rappelle à cet égard sa jurisprudence selon laquelle « la situation d’extrême vulnérabilité de l’enfant est déterminante et prédomine sur la qualité d’étranger en séjour illégal », et qu’en vertu de l’article 3 de la Convention, les Etats parties sont tenus d’une obligation positive, à savoir celle de protéger et prendre en charge les mineurs étrangers non accompagnés.

Dans ces conditions, la Cour a estimé que les conditions de vie du requérant avant et après le démantèlement ainsi que l’inexécution de l’ordonnance du juge des enfants, examinés ensemble, constituaient un traitement dégradant à l’origine d’une violation de l’article 3 de la CESDH.

Tierce intervention et suivi de l’exécution des arrêts de la CourEDH

Alertant régulièrement depuis des années les pouvoirs publics sur la vulnérabilité des mineurs étrangers non accompagnés, la CNCDH avait présenté ses observations écrites à la CourEDH en vertu de l’article 36 de la Convention relatif à la tierce intervention. Elle y avait alerté la CourEDH sur les spécificités de la situation de mineurs non accompagnés et les défaillances constatées de prise en charge de ces mineurs par l’Etat à Calais et dans ses environs sur la période 2015-2016.

En application de la Déclaration de Bruxelles sur la mise en œuvre de la Convention, le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères a saisi la CNCDH afin qu’elle fasse part de ses observations sur les mesures générales d’exécution de cet arrêt.

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