Réunie en Assemblée plénière le 07 juillet 2015, la CNCDH a adopté trois avis.

Mis à jour le 3 mai 2021

Réunis en Assemblée plénière le 07 juillet 2015, les membres de la CNCDH ont débattu et adopté trois avis, un premier intitulé « Liberté, égalité, fraternité: rendre effectives les valeurs de la République », un deuxième sur la situation des migrants à Calais et dans le Calaisis et un troisième concernant la protection des biens culturels en période de conflit armé. Ces textes ont été publiés au JORF n°0157, à retrouver ici

Vous trouverez ci-dessous le résumé, et ci-contre le document à télécharger. 

Pour en savoir plus sur le processus d'élaboration des avis de la CNCDH, cliquez ici. 

 

Liberté, égalité, fraternité : rendre effectives les valeurs de la République

La Commission nationale consultative des droits de l’homme s’interroge sur la manière dont les valeurs de la République peuvent se traduire en pratiques : comment leur donner corps pour construire une société commune ?

Liberté, égalité, fraternité, ces valeurs ont vocation à protéger et à émanciper, mais la CNCDH note que les modèles français d’éducation, d’insertion sociale, d’intégration, ou de politique de la ville, qui ont prévalu jusqu’à présent, peinent à conférer à ces valeurs fondamentales une réalisation concrète pour l’ensemble de ceux qui vivent en France. Alors qu’il est usuel d’attirer l’attention sur les discriminations positives dont bénéficieraient les jeunes – et les moins jeunes – des quartiers populaires cibles de la politique de la ville, la CNCDH montre dans son avis que, loin de tirer avantage des nombreux dispositifs mis en œuvre par les pouvoirs publics, les habitants des quartiers populaires ont vu leurs conditions de vie se dégrader.

Ces constats ne sont pas nouveaux, mais la période post attentats de janvier 2015 a sans doute contribué bon nombre d’acteurs à se réinterroger sur la crise sociale que traverse la France depuis plusieurs années, et sur la réalité concrète des valeurs de la République pour l’ensemble des populations vivant en France. Dans les différents débats, les différentes mobilisations du début de l’année 2015, l’école a souvent été en première ligne et nombreux sont ceux qui se sont interrogés sur la place et les missions de l’école. Si la CNCDH ne peut que se féliciter de cette volonté de mettre en avant l’éducation comme instrument privilégié d’action, toutefois elle tient à souligner qu'il importe d'être clair sur les finalités de cette mobilisation : il ne peut s'agir d'inculquer une quelconque morale officielle, ni d'avoir une visée purement défensive, ou de mobiliser les valeurs de la République et la laïcité comme simples vecteurs de maintien ou de rétablissement de l'ordre. Il doit s'agir de contribuer à construire un projet commun en formant des individus autonomes et des citoyens responsables dans une société démocratique, tournée vers l'inclusion de tous et garante de l'effectivité des droits.



La CNCDH entend également rappeler que si le rôle de l'école est central, elle ne porter seule cette entière responsabilité qui incombe pourtant à l’ensemble de la société. Il convient ainsi de ne pas oublier la multiplicité des lieux ou des instances qui, directement ou indirectement, ont un rôle de formation et d'éducation ; depuis la famille jusqu'aux clubs sportifs, aux centres de loisirs, en passant par la rue et les réseaux sociaux. C’est dans ces espaces là qu’il faut aussi travailler à la mise en œuvre concrète des valeurs de la République. Il importe de mettre en œuvre des politiques ambitieuses et résolues, dotées des moyens nécessaires et associant tous les acteurs pour faire reculer les exclusions et les processus de ségrégation, et pour rendre effective pour tous l'égalité des droits. Ces questions nécessitent la réflexion et le débat : la CNCDH entend bien y apporter toute sa contribution, le présent avis adopté par la CNCDH identifie un certain nombre d'axes de préconisations qui seront débattus et approfondis dans de futurs travaux de la Commission.

 

Avis sur la situation des migrants à Calais et dans le Calaisis

Après avoir été alertée par plusieurs de ses membres sur une situation humanitaire extrêmement préoccupante, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) a rendu un avis sur la situation des migrants à Calais et dans le Calaisis.

Une délégation de la CNCDH s’est rendue sur place le 4 juin 2015 pour rencontrer les associations œuvrant sur le terrain et les autorités publiques, ainsi que pour établir un état de la situation.

« Lors de ce déplacement, la délégation a été profondément choquée par les conditions inhumaines et indignes dans lesquelles les migrants tentent de survivre et par l’impasse dans laquelle se trouvent non seulement  ces  exilés  mais  aussi  les  autorités  publiques  confrontées  à  des  problèmes  d’une particulière complexité », affirme Christine Lazerges, présidente de la CNCDH. 

Il est « de nos jours intolérable que les 3000 personnes vivant actuellement sur la lande n’aient accès qu’à un seul point d’eau. Ils vivent sous des cabanes et autres abris de fortune sans accès aux toilettes de 19 h à midi le lendemain. Comment  peuvent-ils  dans  de  telles  conditions  faire  valoir  leurs  droits  les  plus élémentaires ? ».

À partir de ses constats, la CNCDH recommande instamment de garantir dans les plus brefs délais un accès effectif des migrants à l’eau, à l’assainissement, et aux soins médicaux. Il convient surtout de prévoir  des  financements  destinés  au  renforcement  de  la  capacité  d’accueil  des  dispositifs d’hébergement  d’urgence.  Cela  étant,  il  est  impératif  que  les  pouvoirs  publics  procèdent immédiatement à la distribution de tentes, de couvertures, de matelas et de fournitures pour le chauffage. Il n’est plus acceptable que les associations présentes sur le terrain soient contraintes de « gérer la pénurie » en remplissant avec trop peu de moyens des missions relevant normalement de la compétence de l’État et des collectivités territoriales. Par  ailleurs,  beaucoup  de  mineurs  isolés  étrangers  errent  à  Calais,  alors  qu’ils  devraient systématiquement  relever  des  dispositifs  de  droit  commun  et  faire  l’objet  d’une  mesure  deprotection. Cette situation dramatique est en grande partie la conséquence de la conclusion, entre la France et le Royaume-Uni, de plusieurs traités et accords administratifs bilatéraux dont la complexité de la mise en œuvre aboutit en pratique à interdire aux migrants de quitter la France et à faire de Calais et de sa proche région une zone de concentration de personnes en exil avec les enjeux sécuritaires et les risques  humanitaires  que  cela  implique.  Cet  enchevêtrement  de  traités  et  de  dispositions administratives  divers,  largement  en  contradiction  avec  le  droit  de  l’Union  européenne,  est  extrêmement préoccupant dans la mesure où il conduit à faire de la France le « bras policier » de la politique migratoire britannique. Pour la CNCDH, il convient de mettre à plat ces textes bilatéraux. Elle se montre soucieuse de voir les pouvoirs publics prendre en compte de façon globale la politique migratoire entre le Royaume-Uni et la France, sans omettre ses enjeux humanitaires et sociaux. Elle invite donc les pouvoirs publics à une particulière vigilance à l’heure de la redéfinition des politiques migratoires  de  l’Union.  À  cet  égard,  la  CNCDH  souhaite  notamment  que  les  États  membres  usent  de toutes  les  potentialités  du  règlement  Dublin  III.  pour  assurer  une  réelle  solidarité et  un  partage  des charges entre la France et le Royaume-Uni. À  l’heure  de  la  transposition  en  droit  français  du  régime  d’asile  européen  commun,  la  CNCDH recommande  enfin  aux  pouvoirs  publics  de  poursuivre  leurs  efforts,  pour  améliorer  le  dépôt  et  le traitement  de  la  demande  d’asile  en  France.  Elle  salue  les  efforts  déjà  entrepris  dans  ce  sens  par  les pouvoirs publics.

 

Avis sur la protection des biens culturels en période de conflit armé

Émue par les destructions récentes de nombreux sites antiques et biens culturels, que ce soit au Mali, en Iraq ou en Syrie, la CNCDH publie ce jour un avis sur la protection des biens culturels en période de conflit armé.

Elle rappelle dans son avis les enjeux liés à la préservation des biens culturels : promotion d’une culture de paix, prévention des conflits et consécration d’un bien commun de l’humanité.



Face à ces attaques, des réponses fortes sont attendues de la part des États pris individuellement, comme de la communauté internationale dans son ensemble. Celle-ci s’est engagée à travers diverses initiatives à compléter un dispositif juridique et opérationnel déjà dense et à mettre sur pied des actions stratégiques concrètes.



La France, bien que partie prenante active à ces diverses initiatives, au sein du Conseil de sécurité ou de l’UNESCO par exemple, n’a jamais adhéré au deuxième Protocole de 1999 relatif à la Convention de la Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armés. L’entrée en vigueur de ce deuxième Protocole constitue pourtant l’avancée la plus récente et la plus approfondie dans la protection juridique des biens culturels en cas de conflit armé, à travers un éventail de mesures préventives et répressives.



La CNCDH recommande à la France d’adhérer au deuxième Protocole relatif à la Convention de La Haye. Cela aurait le mérite de faire converger ses actes et ses paroles et de préciser l’étendue de ses obligations internationales. Ce serait en outre un signe d’encouragement à destination des autres États non encore parties à cet instrument.



La CNCDH appelle également le Gouvernement à développer les actions de formation et de diffusion sur les obligations juridiques et les dispositifs opérationnels en matière de protection des biens culturels – notamment dans le cadre d’opérations armées conjointes - ainsi qu’à renforcer ses actions de coopération et d’assistance dans le domaine de la protection des biens culturels.

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