Réunie en Assemblée plénière le 17 mars 2016, la CNCDH a adopté deux avis et une déclaration.

Mis à jour le 30 avril 2021

Réunis en Assemblée plénière le 17 mars 2016, les membres de la CNCDH ont débattu et adopté deux avis, un sur le portrait-robot génétique et un autre sur le projet de loi de lutte contre le crime organisé et le terrorisme, ainsi qu'une déclaration sur l'accord Union européenne - Turquie du 18 mars 2016. Ces textes ont été publiés au JORF n°0084, à retrouver ici

Vous trouverez ci-dessous le résumé, et ci-contre le document à télécharger. 

Pour en savoir plus sur le processus d'élaboration des avis de la CNCDH, cliquez ici. 

 

Avis sur le portrait - robot génétique

Sur saisine de la garde des Sceaux, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) rend un avis appelant à un strict encadrement de l’expertise génétique aux fins de détermination des traits morphologiques apparents.

 

La CNCDH recommande

En conclusion, la CNCDH invite le Gouvernement à encadrer strictement et par la loi le recours à l’expertise génétique aux fins de détermination des traits morphologiques apparents. Le texte législatif devrait limiter cette faculté au seul juge d’instruction, préciser le type de caractéristiques génétiques susceptibles d’être déterminées par ce moyen - en les limitant aux seuls traits objectifs, extérieurs et pertinents pour l’identification d’une personne - et définir les garanties effectives que ces procédures devraient respecter.

 

Avis sur le projet de loi de lutte contre le crime organisé et le terrorisme

Au moment de l’examen par le Sénat du projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, la CNCDH adopte un avis sévère dans lequel elle recommande le retrait de plusieurs dispositions clés du projet.

 

La CNCDH recommande

Recommandation n° 1 : La CNCDH recommande d’abord le renforcement du statut de l’actuel « juge des libertés et de la détention » de manière à instituer un authentique « juge des libertés », à savoir : une fonction juridictionnelle spécialisée au sens de l’article 28-3 du statut de la magistrature, exercée par un magistrat du premier grade nommé par décret du Président de la République, ayant une compétence de droit commun en matière de contrôle des investigations et de garantie judiciaire des droits et libertés fondamentaux à tous les stades de la procédure.

Recommandation n° 2 : La CNCDH recommande ensuite la refonte globale du statut du parquet, dont il est urgent de garantir l’indépendance dans le cadre d’une révision constitutionnelle.

Recommandation n° 3 : La CNCDH recommande le retrait de l’article 18 du projet de loi relatif à la rétention administrative de 4 heures et à défaut, le retrait des dispositions prévoyant l’application de la mesure aux mineurs de 18 ans.

Recommandation n° 4 : La CNCDH recommande de mettre fin à l’extension illimitée du domaine des régimes dérogatoires, notamment par le biais de la circonstance aggravante de bande organisée.

Recommandation n° 5 : La CNCDH recommande que l'article 1er du projet de loi autorisant, en enquête préliminaire ou en cours d'information, des perquisitions de nuit dans les locaux d'habitation en cas de crimes ou délits terroristes «afin de prévenir un risque sérieux d'atteinte à la vie ou à l'intégrité physique » voie sa rédaction améliorée, la notion de risque, même sérieux, étant trop aléatoire pour constituer un critère satisfaisant de recours à de telles mesures.

Recommandation n° 6 : La CNCDH recommande d’améliorer l’article 2 du projet de loi relatif au dispositif de proximité destiné au recueil des données de connexion, le texte devant impérativement prévoir : * la durée et les modalités de conservation des données ; * les modalités d’exploitation des données recueillies ; * les modalités de tri entre les données pertinentes et les données non pertinentes ; * l’obligation de destruction des données concernant des personnes étrangères à la procédure, une telle obligation n’étant prévue que dans le cadre de la procédure d’urgence ; * les modalités de cette destruction ; * des dispositions spécifiques en ce qui concerne les personnes ayant un statut ou exerçant une profession imposant une protection particulière, comme notamment les magistrats, les avocats, les parlementaires, les médecins ou encore les journalistes.

Recommandation n° 7 : La CNCDH recommande d’exclure l’administration pénitentiaire de la communauté du renseignement (article 4 ter du projet de loi), sans pour autant remettre en cause la possibilité de recueillir du renseignement par les moyens légaux déjà existants. En conséquence, elle préconise le retrait de l’article 4 ter du projet de loi.

Recommandation n° 8 : La CNCDH recommande la suppression de l’article 7 du projet de loi relatif à l’interdiction d’acquisition et de détention d’armes des catégories B, C et D qui introduit une peine automatique dans le code de la sécurité intérieure et comporte, pour cette raison, un risque d’inconstitutionnalité. À défaut, elle recommande de consacrer le pouvoir d'appréciation du juge en remplaçant les termes « sont interdites d’acquisition et de détention » par les termes « peuvent être interdites d’acquisition et de détention ».

Recommandation n° 9 : La CNCDH recommande le retrait de l’article 20 relatif au contrôle administratif des retours sur le territoire national qui, en brouillant la distinction entre police administrative et police judiciaire, comporte un risque non négligeable de violation de l’article 16 de la DDHC.

Recommandation n° 10 : La CNCDH recommande le retrait de l’article 19 du projet de loi relatif au cadre légal de l’usage des armes par les forces de sécurité, dès lors que les dispositions existantes permettent déjà de faire bénéficier les intéressés de l’irresponsabilité pénale sur le fondement de la légitime défense ou de l’état de nécessité.

Recommandation n° 11 : La CNCDH recommande le retrait de l’article 4 ter A du projet de loi relatif à l’extension de la période de sûreté soit de 30 ans soit de durée illimitée aux crimes terroristes.

 

Déclaration sur l'accord Union européenne - Turquie du 18 mars 2016

La CNCDH dénonce avec vigueur cet échange d’êtres humains, contraire à la dignité humaine, qui viole les droits garantis par la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention européenne des droits de l’homme, et la Charte des droits fondamentaux.

Aujourd’hui même se réunit avec la Turquie le Conseil européen pour décider du sort des propositions issues de la Déclaration des chefs d’État ou de Gouvernement de l’Union européenne, en date du 8 mars 2016.

Ce dernier texte conduirait :

  • À la fermeture de fait de la frontière maritime entre la Grèce et la Turquie 
  • Au renvoi vers la Turquie, dont le statut de « pays tiers sûr » n’est pas reconnu, de tous les migrants entrés irrégulièrement en Grèce ou interceptés avant leur entrée 
  • À un véritable marchandage organisé par les États de l’Union : pour un Syrien renvoyé de Grèce en Turquie, un Syrien réinstallé, à partir de la Turquie, dans un État de l’Union européenne

La CNCDH dénonce avec vigueur cet échange d’êtres humains, contraire à la dignité humaine, qui viole les droits garantis par la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention européenne des droits de l’homme, et la Charte des droits fondamentaux.

De plus, la Commission rappelle avec insistance que l’Union européenne a consacré le droit d’asile dans la Charte des droits fondamentaux, qui implique le droit de demander une protection à ce titre. À cet égard, l’accord pourrait aboutir à des expulsions collectives, alors que les États ont l’obligation d’examiner chaque situation individuelle (article 4 du Protocole n° 4 à la Convention européenne des droits de l’homme).

Pour la CNCDH, cet accord pourrait conduire en outre à une violation du principe de non refoulement, principe cardinal garanti par la Convention de Genève relative au statut des réfugiés (article 33).

 

Enfin, la CNCDH se prononce en faveur d’une politique fondée sur la protection de la vie des personnes, l’effectivité des valeurs fondamentales de l’Union européenne et une réelle solidarité de l’ensemble des États membres. Plus précisément, elle appelle les États au développement de voies d’accès sécurisées et légales, ainsi qu’au renforcement de la politique de relocalisation. Il en va de l’honneur de l’Europe.

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