Réunie en Assemblée plénière le 21 mai 2015, la CNCDH a adopté deux avis

Mis à jour le 3 mai 2021

Réunis en Assemblée plénière le 21 mai 2015 les membres de la CNCDH ont débattu et adopté deux avis, un premier sur le protocole franco-marocain et un second concernant la réforme du droit des étrangers. Ces textes ont été publiés au JORF n°0159, à retrouver ici et au JORF n°0155, à retrouver ici

Vous trouverez ci-dessous les résumés, et ci-contre les documents à télécharger. 

Pour en savoir plus sur le processus d'élaboration des avis de la CNCDH, cliquez ici. 

 

Avis sur le protocole franco-marocain

Paris, le 21 mai 2015 - La CNCDH rappelle son attachement à la lutte contre l’impunité et recommande le rejet du protocole d’entraide judiciaire France-Maroc, en raison de ses ambiguïtés.

La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) rend aujourd’hui un avis sur le projet de loi autorisant l'approbation du protocole additionnel à la Convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc.

La CNCDH a décidé de s’autosaisir du projet de loi, en considérant qu’il met en cause des questions d’ordre juridique dont les conséquences dépassent les relations diplomatiques bilatérales entre deux pays ayant des liens de coopération étroits.

« Malgré son caractère voulu anodin, le projet de loi comporte des enjeux juridiques et judiciaires d'importance, au regard notamment des règles relatives à la compétence répressive internationale des lois et juridictions françaises », estime Christine Lazerges, présidente de la CNCDH, avant d’ajouter que « si la CNCDH reconnaît bien volontiers que la coopération franco-marocaine revêt une importance particulière, notamment dans la lutte contre le terrorisme, elle rappelle que cette entente ne saurait s’établir aux dépens du respect des droits et libertés constitutionnels et d'autres engagements internationaux pris par la France, que ceux-ci poursuivent un objet proprement répressif ou bien de protection des droits de l’Homme. La CNCDH souhaite donc que la coopération franco-marocaine, plus nécessaire que jamais, soit fondée sur le respect inconditionnel de l’État de droit et de l’indépendance de la justice dans les deux pays ».

La CNCDH considère que le protocole additionnel, dont la rédaction est peu claire et imprécise, posera de graves difficultés d’interprétation aux magistrats chargés de son application. Elle constate surtout que les nouvelles stipulations remettent gravement en cause la sécurité juridique en limitant l’effectivité de l’accès à une justice indépendante et impartiale, par un contournement des règles françaises de compétence répressive internationale. À cet égard, il ne saurait notamment être toléré que des victimes françaises se voient privées de la possibilité de saisir un juge d’instruction français et de voir leur affaire instruite en France.

Plus fondamentalement, la CNCDH rappelle avec force que les autorités françaises ne doivent en aucun cas remettre en cause l’ordre juridique multilatéral, afin de lutter contre l’impunité. Elle s’alarme du précédent juridique que ne manquerait pas de constituer un tel accord bilatéral, là où des solutions diplomatiques peuvent être trouvées sans bouleverser l’ordre juridique international et contredire les priorités de la politique extérieure de la France.

Pour toutes ces raisons, la CNCDH exprime son opposition à l'adoption du projet de loi autorisant l'approbation du protocole additionnel, en raison de ses ambiguïtés sur le plan juridique. Elle en recommande le retrait ou le rejet.

 

Avis sur la réforme du droit des étrangers

La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), sur saisine du ministre de l’Intérieur, rend aujourd’hui un avis sur le projet de loi relatif à la réforme du droit des étrangers, présenté le 23 juillet 2014 en Conseil des ministres.

Dans le contexte actuel marqué par les conflits armés en Irak, en Syrie et ailleurs, ainsi que par la survenance d’événements tragiques aux frontières de l’espace Schengen, il est à craindre que les pouvoirs publics ne soient, une fois de plus, tentés de durcir leur politique de contrôle des flux migratoires, et de prendre des mesures de plus en plus restrictives.

Pour Christine Lazerges, Présidente de la CNCDH, « l’immigration est depuis plus de trente ans, presque exclusivement considérée comme une menace, de nombreux discours officiels martelant que la fermeture des frontières et la répression sont la seule politique possible. Cette pensée unique est si prégnante, du fait notamment des enjeux électoraux et de la progression des extrémismes, que toute autre approche du phénomène migratoire est considérée comme irréaliste, utopique, voire fantasque. Pourtant, dans un monde où les distances se franchissent facilement, où le fossé entre les pays riches et les pays pauvres est énorme, où les guerres et les persécutions chassent de chez elles des populations entières, ne faut-il pas considérer les migrations comme une donnée inéluctable, tout en insistant aussi sur leurs aspects positifs ? »



Par son avis, la CNCDH s’inscrit dans sa tradition de défense des droits fondamentaux et appelle le gouvernement et le législateur à aborder la réforme du droit des étrangers avec ambition et une prise de recul par rapport aux « faux débats » et aux « idées toutes faites » qui agitent, voire traumatisent trop souvent, l’opinion publique. Elle souhaite ardemment un « choc idéologique » et un « choc de simplification » pour le droit des étrangers.



La CNCDH relève plusieurs aspects positifs dans le projet de loi, comme notamment la consécration du principe de la pluriannualité de la carte de séjour, l’affirmation du caractère subsidiaire du placement en rétention administrative ou la possibilité pour les journalistes d’accéder aux zones d’attente et aux lieux de rétention administrative. Le projet lui paraît néanmoins devoir être amélioré dans le sens d’une meilleure garantie des droits et libertés fondamentaux.



À cette fin, la CNCDH propose dans son avis articulé en quatre axes, 35 recommandations concrètes destinées à améliorer les dispositions du projet de loi relatives à :

  • L'accueil et au séjour 
  • L'éloignement des étrangers 
  • Aux mesures privatives de liberté
  • À l’Outre-mer

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