Réunie en Assemblée plénière le 26 mai 2016, la CNCDH a adopté trois avis et une déclaration.

Mis à jour le 30 avril 2021

Réunis en Assemblée plénière le 26 mai 2016, les membres de la CNCDH ont débattu et adopté trois avis : un premier sur le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, un deuxième sur les violences contre les femmes et les féminicides et un troisième sur la situation des migrants à Grande Synthe, ainsi qu'une déclaration à l'occasion de la Conférence internationale du Travail du 29 mai au 10 juin 2016. Ces textes ont été publiés au JORF n°0131, à retrouver ici

Vous trouverez ci-dessous le résumé, et ci-contre le document à télécharger. 

Pour en savoir plus sur le processus d'élaboration des avis de la CNCDH, cliquez ici.

 

Avis sur le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique

La CNCDH s'est auto-saisie du projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

Le 30 mars 2016, un projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique a été adopté en Conseil des ministres. Aux termes de l’Exposé des motifs, ce texte « vise à permettre de porter la législation française en la matière aux meilleurs standards européens et internationaux ». D’emblée, la CNCDH ne peut que se réjouir d’une telle initiative qui va indéniablement dans le sens du renforcement de l’État de droit. En effet, la Commission considère que la corruption est une menace pour la prééminence du droit, porte atteinte aux principes d’égalité et de sécurité juridique, introduit une part d’arbitraire dans le processus décisionnel et a un effet dévastateur sur les droits de l'Homme. Corrélativement, « l’ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de l'Homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des Gouvernements », comme l’énonce le Préambule de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen dès sa première phrase.

Parlementaires en temps utile. En raison des délais extrêmement brefs et de l’importance quantitative du projet de loi, la Commission doit se contenter de formuler des commentaires et recommandations sur quelques articles seulement de ce texte.

Elle insistera tout particulièrement sur la nécessité de :

  • Mettre en place une agence indépendante et efficace pour prévenir et aider à la détection de la corruption
  • Renforcer la protection des lanceurs d’alerte
  • Encadrer l’activité des représentants d’intérêts cherchant à influer sur la prise de décision publique
  • Ajouter la CNCDH à la liste des autorités administratives indépendantes figurant à l’article 11 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique

 

Avis sur les violences contre les femmes et les féminicides

Faire évoluer le droit pour mieux protéger les femmes contre les violences

La Commission nationale des droits de l’homme (CNCDH) a souhaité, conformément aux missions qui sont les siennes, engager une réflexion sur les violences de genre, sur la mise en œuvre effective des mesures prises par les pouvoirs publics ces dernières années et sur les évolutions souhaitables en la matière : comment renforcer en amont la protection et la prise en charge des victimes de violence ? Jusqu’où peut-on repenser les règles de droit au regard du phénomène des violences de genre ? Faut-il introduire dans le droit le « féminicide » ou a minima développer l’usage de ce terme ? Après avoir dressé un tableau des violences de genre aujourd’hui en France et des logiques qui les sous-tendent (I), il convient de s’interroger sur la définition et l’usage du terme « féminicide » dans les instances internationales et sur les obligations qui découlent des textes internationaux auxquels la France est partie (II). L’examen des engagements internationaux de la France et des débats qui ont lieu sur la scène internationale permet de mieux interroger les réponses apportées en France pour lutter contre les violences de genre et de formuler un certain nombre de recommandations afin de mieux prendre en compte leur spécificité et leur gravité (III).

 

Avis sur la situation des migrants à Grande Synthe

Alertée par ses associations membres, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) a conduit une mission d’information sur le camp humanitaire provisoire de Grande-Synthe.

Au début de l’année 2016, la CNCDH a été alertée par plusieurs de ses membres (Médecins du Monde, France Terre d’Asile, le Secours Catholique et La Cimade) de la situation extrêmement préoccupante des migrants en transit présents dans la commune de Grande-Synthe, où l’initiative pragmatique et courageuse prise par le maire d’établir un camp provisoire conforme aux normes humanitaires avec l’aide de Médecins sans Frontières (MSF) courait le risque d’être remise en cause par la préfecture du Nord pour des raisons de sécurité. La Commission a immédiatement décidé de s’autosaisir de ces questions et souhaité disposer d’un constat objectif.

 

Déclaration à l'occasion de la Conférence internationale du Travail du 29 mai au 10 juin 2016

 

Garantir un travail décent, un enjeu pour l'économie mondiale

À la veille de la 105ème Conférence internationale du travail (CIT), dont un des thèmes de discussion générale sera « le travail décent dans les chaînes d’approvisionnement mondiales » et au lendemain du triste anniversaire du drame du Rana Plaza, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) souhaite rappeler que le respect des droits de l’Homme, y compris dans le cadre des activités économiques, ne peut souffrir d’aucune dérogation. La CNCDH appelle le Gouvernement français à jouer un rôle moteur dans les discussions pour que plus jamais dans le monde des femmes et des hommes ne travaillent dans des conditions inhumaines, dégradantes et avilissantes.

En tant qu’Institution nationale de protection et de promotion des droits de l’Homme, accréditée auprès des Nations Unies, la Commission a pour mission de contrôler le respect par la France de l’ensemble de ses engagements internationaux en matière de droits de l’homme. Elle est, par ailleurs, rapporteur national sur la traite et l’exploitation des êtres humains. À ce double titre, elle est particulièrement attentive au respect des droits économiques et sociaux, dont le droit à un travail décent. Elle se fait fort de rappeler autant que possible qu’un des 17 objectifs de développement durable est dédié à la promotion du travail décent pour tous.

La CNCDH a joué un rôle précurseur dans le domaine de la responsabilité des entreprises en matière de droits de l’Homme, en publiant un avis en 2008 puis une étude en 2009. Elle a ensuite été officiellement saisie par les ministres délégués des Affaires européennes et du Développement, en vue de la préparation du Plan d’action national de mise en œuvre des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme. Elle a ainsi adopté à l’unanimité un avis majeur le 24 octobre 2013. Une partie des recommandations de la Commission portait précisément sur le respect des droits de l’homme tout au long de la chaîne de valeur.

 

1) Informer, sensibiliser

Le respect des droits des travailleurs repose sur une connaissance et une reconnaissance par l’ensemble des parties-prenantes de ces droits, et des obligations qui en découlent pour l’État et les entreprises de les respecter et protéger. Il est urgent que les principaux textes internationaux, notamment les Principes directeurs des Nations Unies et les conventions de l’OIT, soient mieux connus et reconnus dans le monde entier.

À l’occasion de la CIT, la CNCDH recommande que le Gouvernement soutienne et promeuve, au sein des institutions multilatérales traitant des questions économiques, commerciales et financières, dont la CIT, les divers instruments, y compris contraignants, visant à garantir le respect des droits de l’Homme par les entreprises. Par ailleurs, la Commission invite vivement la France à promouvoir le protocole additionnel à la convention n°29 de l’OIT sur le travail forcé dont la ratification a été récemment approuvée par le Parlement.

 

2) Promouvoir le principe de « diligence raisonnable » et la cohérence des politiques

La CNCDH appelle le Gouvernement à jouer un rôle moteur dans la promotion du principe de « diligence raisonnable ». La Commission reconnaît en effet l’avancée juridique que représente la proposition de loi sur le devoir de vigilance des sociétés-mères et donneuses d’ordre, dont l’adoption est espérée dans les semaines qui viennent. Elle souligne néanmoins que cette proposition de loi reste en-deçà de ses recommandations formulées en 2013. Elle souhaite par ailleurs rappeler au Gouvernement que découle du Protocole additionnel sur le travail forcé susmentionné une obligation de « mettre en œuvre toutes les mesures nécessaires pour prévenir le travail forcé ou obligatoire, dont un appui à la diligence raisonnable dont doivent faire preuve les secteurs tant public que privé pour prévenir les risques de travail forcé ou obligatoire et y faire face ». La France peut donc montrer la voie.

En effet, la France doit se hisser au rang d’État exemplaire. C’est pourquoi la CNCDH rappelle l’impératif de cohérence qui doit guider tant la politique extérieure de la France que sa politique interne en veillant à ce que la politique d’achat public de l’État et des collectivités territoriales soit respectueuse des droits de l’Homme.

La Commission souhaite rappeler que toute réglementation relative au principe de « diligence raisonnable » doit être pensée de manière à offrir des voies de recours effectives aux victimes. Elle déplore à ce titre que la proposition de loi française sur le devoir de vigilance n’inclue aucune disposition visant à une réelle responsabilisation des sociétés-mères pour des actes commis par leurs filiales à l’étranger ni à l’établissement d’une obligation de vigilance à la charge de l’État. La Commission préconise que la France porte la réflexion sur ces différents points dans le cadre de la discussion générale à la CIT, notamment sur l’extension des compétences extraterritoriales en matière civile et pénale, ainsi que sur l’extension au domaine des droits de l’Homme de l’exception au principe d’autonomie juridique des entreprises.

 

3) Soutenir les actions des entreprises

Consciente que pour un plein respect des droits de l’homme par les entreprises, l’ensemble des parties prenantes doit être collectivement engagé, et non pas uniquement l’État, la CNCDH appelle le Gouvernement à encourager et rendre possible toutes initiatives menées par les entreprises. Aussi, et à titre d’exemple, la CNCDH recommande au Gouvernement d’inciter les entreprises à négocier des accords-cadres internationaux composés de dispositions précises quant au suivi et à l’application de ces accords.

 

4) Soutenir et conforter le rôle de l’OIT.

Convaincue que l’OIT doit voir ses missions renforcées afin de lutter contre l’impunité en cas de violation du droit du travail et des droits de l’homme, la CNCDH encourage le Gouvernement à appuyer les réflexions engagées en ce sens. En effet, elles devraient conduire à renforcer le poids et l’autorité de l’OIT dans le concert des institutions du système multilatéral ainsi qu’à instaurer des formes de conditionnalité sociale. Une des pistes pourrait être celle d’un mécanisme de type « question préjudicielle » adressée à l’OIT lors de la prise de décisions relevant d’autres enceintes et pouvant avoir un impact sur les conditions sociales.

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